Le caillou du mineur
Ce n’est pas à celui de la rue des Déportés, au pied de la rue Dubois à Courcelles, que mon billet est consacré. Non, mais bien à celui de chez moi ; celui du quartier où j’ai grandi.
D’abord la traduction du titre : dans mon wallon, «Le Caillou du Mineur» c’est «Li Pïre des Nêgues».
A L ‘Pïre des Nêgues de chez moi, quand j’étais tout gamin, les mineurs de mon quartier se rassemblaient. Déjà avant d’aller travailler, ils s’offraient une détente d’une demi-heure, une heure parfois, accroupis, assis sur leurs talons, fumant une pipe en silence ou chiquant une «role». Leurs longues pipes tournantes descendaient entre leurs genoux écartés où leur main calleuse soutenait le gros foyer contenant le quart d’un paquet de tabac. Les mineurs fumaient lentement, très lentement, calmement, par petites bouffées, parfaitement détendus.
D’autres chiquaient leur «rote» en se faisant une grosse joue et en éjectant à cadence régulière une giclée de jus de tabac à un mètre cinquante devant eux. Ce n’était peut-être pas très beau mais c’était ainsi alors.
C’était une scène courante, quotidienne, considérée normale.
J’aimais bien les regarder ces mineurs de fond, mes voisins. J’avais d’ailleurs beaucoup d’admiration pour ces hommes rudes et bons dont le travail dangereux imposait le respect.
Quelques années plus tard, quand j’eus dix-neuf ans, j’eus l’occasion de voir des mineurs à la tâche dans une taille, lors de l’abattage du charbon.